A mon seul desir (nouvelle d'anticipation)

A MON SEUL DESIR. 
NOUVELLe, texte de SAMIA FARAH 2020 Paris 




 
LIBERTE ET DANGER OU CONTROLE ET SECURITE? 
 Le dĂ©tective Faridah Debeauvoir Ă©tait dĂ©jĂ  sur le coup et les lieux du crime, le vieux Briscard
Eddie Gramsci, bidĂ® au bec, arrivait nonchalant avec son air crasseux qui le caractĂ©risait si 
bien. Ses cheveux lui arrivaient Ă  la taille, longs et noirs. Miracle ! Ce jour-lĂ  il Ă©tait sobre .
-«Hey Debauve ? Tu es aussi lĂ  Ă  ce que je vois. » .
« Oh putain », dit-il en marchant sur la pointe des pieds, « c'est quoi cette merde?? ».
Les deux dĂ©tectives, qui n'avaient pas l'air de s'apprĂ©cier, se trouvaient chez Artus Stern, un 
trafiquant de tout et de n'importe quoi, connu surtout pour son n'importe quoi.
Son corps avait fondu, il avait certainement ingurgitĂ© un poison sans mĂŞme le savoir, les 
restaurants chinois et thaĂŻlandais Ă©taient spĂ©cialistes de la cuisine Ă  particule, inoculant des 
poisons violents. En Ă©change, ils avaient le droit de cuisiner chez eux sans que la milice des 
hygiénistes n'intervienne pour leur pourrir la vie .
 Les tripes de Stern, ses intestins, gisaient Ă  l'air, un ver gros comme un serpent avait doublĂ© 
de volume en un laps de temps assez court. Il se lovait autour de son cou au ralenti, puis 
sortit par l'Ĺ“il gauche.
 Faridah Debauvoir se mit du baume du tigre sous le nez et continua les fouilles. Elle pulvĂ©risa 
sur le serpent un spray endormeur qui l'assoupit instantanĂ©ment. Elle l'enferma dans une 
boîte en verre, en attendant de le retourner au service de la brigade anti-gangs .
 L'appartement avait un Ă©tage, un lit deux places qui n'avait pas encore Ă©tĂ© insĂ©rĂ© en mode 
plafond ; des cartons contenant des babioles que Stern recelait gisaient sur le sol made in 
Japan, vestige des années 2030.
 Faridah Debeauvoir Ă©tait du genre solide, grande, taciturne et fallait pas trop blaguer avec 
elle quand mĂŞme.
 Elle habitait Asia 3, ce qui englobait la partie la plus vivable et encore ''naturelle'' de la 
planète bleue... Ils Ă©taient bouddhistes en majoritĂ© et tenaient Ă  le rester. C'est ce qui faisait 
que les gens avaient survĂ©cu Ă  tous les cataclysmes ou guerres mais plus encore, le 
collectivisme abstrait avait sauvĂ© nombre de gens, incluant les quelques Musulmans qui ne 
dĂ©siraient pas s'installer Ă  'Islam Paradise', qui se trouvait plus au sud, bien plus au sud , 
dans l'ancienne péninsule arabique.
Ailleurs, se trouvait l'US ZONE. Le pays Ă©tait devenu l'endroit des taulards, des voleurs, des 
Trans-FormatĂ©s. Les dĂ©membrĂ©s par les multiples chirurgies esthĂ©tiques, rajouts de 
prothèses Ă©lectroniques (ou de mammifères) qui avaient ratĂ©. Des ĂŞtres aussi farfelus les uns 
que les autres, qui Ă©taient automatiquement parquĂ©s la bas. Des Etres-objets rapportĂ©s, mis Ă  
la casse: autant dire une prison Ă  ciel ouvert.
Il paraĂ®trait mĂŞme que des quartiers entiers Ă©taient infestĂ©s d'humains disloquĂ©s en tous 
genres comme ''Dog street '', quartier oĂą les hommes s'Ă©taient fait greffer des museaux, des 
queues de chiens et marchaient Ă  quatre pattes. On leur avait fait des extensions des os de 
leurs avant-bras; certains parce qu'ils le voulaient, d'autres parce qu'ils avaient perdu Ă  des 
jeux de hasard. Les dettes impayées les rendaient cobayes à vie, souvent.
 Il y avait aussi '' Poison Ivy district'' oĂą certains jeunes, durant les annĂ©es 3000 s'y Ă©taient 
accouplĂ©s avec des plantes, pensant sauver la planète. Eux se sont tous installĂ©s dans la ville 
qui se nommait « Detroit » dans les annĂ©es 2000 mais qui changea de nom Ă  cause des 
protubérances sans fin qui n'arrêtaient pas de pousser de leurs corps difformes.
La prostitution battait son plein Ă  «Bangkey Area», appelĂ© aussi «Little Gisha». Les femmes
et certains hommes s'Ă©taient fait greffer des vagins sur le front, Ă  paillettes ou couleur chair.
Le troisième oeil se trouvait à cet endroit. Des sexes étaient aussi placés sur le ventre, en
connexion avec les intestins. L'opération était dangereuse mais offrait à celui qui possédait
l'extension sur le corps un plaisir indiscutable .
Les Transgenres étaient devenus les représentants de l'US ZONE.
Des hommes qui souhaitaient devenir des femmes ou qui se sentaient femmes étaient légion et
ce, depuis la nuit des temps. Les femmes qui devenaient hommes Ă©taient tout aussi
nombreuses sur US ZONE.
 Leur dĂ©sir de changer de sexe, de «transitionner» comme ils appelaient ça, posait souvent
problème. Ils géraient très mal les transitions, principalement au niveau du mental. Ils
regrettaient souvent l'identité de substitution... D'ailleurs, ceux qui contrôlaient vraiment US
ZONE administrativement parlant étaient en majorité des psychiatres, psychologues et
quelques sociologues, qui ne restaient jamais longtemps Ă  US ZONE.
Certains sociologues payaient des sommes astronomiques pour passer Ă  Asia 3, il Ă©tait
quasiment impossible d'avoir les passe-droits ''identités non-flexibles'' pour y habiter ou s'y
installer, même pour un temps de retraite de courte durée.
 US ZONE avait des chaĂ®nes de tĂ©lĂ© plus dingues les unes que les autres, les intervenants
l'étaient tout autant.Le pays arrivait à subvenir a ses besoins grâce a ces détraqués .
 Ils Ă©taient quasiment tous tatouĂ©s ou altĂ©rĂ©s par la folie de vouloir ĂŞtre unique et pourtant, en
y regardant bien, ils se ressemblaient tous. US ZONE était un mélange obscur de moyens
énormes. Ses chaînes de télévision engrangeaient toute sortes de monnaies, essentiellement
grâce aux supermarchés virtuels via des écrans géants 'propulsants '. On pouvait y faire son
shopping en ayant l'illusion bien réelle de faire ses courses.
 Les gens se demandaient comment ces putains de ''freaks'' faisaient pour survivre. La
consommation allait bon train via les télés et autres plateformes satellitaires , chaque quartier
puait la misère à tous les étages. Des images pornographiques entrecoupaient toutes les
publicités.
-''Ah ah oui oui encore!!''
-''Vous prendrez bien du thé Pinaut? la marque de thé qui rend sain et beau?? Rien de mieux
pour commencer la journée!''
- ''Ahahahaha, par derrière oui oui!''

 Asia 3, Islam Paradise, Europe masquĂ©e, Urise, contribuaient grâce Ă  des impĂ´ts obligatoires
Ă  fournir en aliments ou en devises ''Freak Land'', comme ils l'appelaient.
Eddie Gramsci fut intrigué par des mots écrits au sang sur le sol juste derrière le crâne
explosé de Stern... ''A mon seul désir''...
-«Debauv ?! Viens voir.» lui dit-il.
 Le dĂ©tective Faridah Debauvoir descendit les marches, s'accroupit Ă  ses cĂ´tĂ©s et constata elle
aussi ces Ă©tranges mots.
 Elle jeta un regard vers Gramsci, qui leva les bras et les yeux au ciel en signe d'interrogation.
Gramsci et Debauvoir était ''identité non-flexible''. Il était d'orgine Navajo/Dineh et elle,
Berbère de Siwa. Les groupes ethniques non-mélangés n'étaient assignés qu'à certains types
d'emplois plutôt bien rémunérés mais ils avaient aussi des devoirs. Ils étaient considérés
comme humains souche et devaient le rester. Le détective Faridah Debauvoir était habitante
d' Asia 3, continent qui avait opté pour la liberté de mouvement, de croyances et d'idées.
Gramsci quant Ă  lui habitait Urise, continent qui optait pour le contrĂ´le, pour plus de 2
securité. Lorsqu'on les voyait, ils inspiraient plutôt le contraire. Elle était dans la rigueur et
lui dans un genre de laisser-aller...
Les identitĂ©s non-flexibles pouvaient aller un peu partout mais avaient plus de chance que les 
autres d'ĂŞtre kidnappĂ©s pour ĂŞtre dĂ©membrĂ©s (surtout pour leurs organes) ou ĂŞtre utilisĂ©s 
comme esclaves . Ils s'aperçurent trop tard que les humains-souches Ă©taient en voie 
d'extinction. EuropCachĂ© avait Ă©tĂ© envahie par l'Afrique, qui avait sombrĂ© sous les eaux en 
3000, entraînant un mouvement de population incontrôlable.
 Les EuropĂ©ens avaient quasiment disparu d'Europe. Pas tous: certains avaient migrĂ© ailleurs, 
beaucoup Ă  Islam Paradise Ă  la suite de conversions massives advenues pour des raisons 
politiques principalement. Certains Ă©lĂ©ments-souche migrèrent Ă  Asia 3, d'autres Ă  Urise . 
L'appartement de Stern Ă©tait sombre et froid. Des peintures abstraites en mouvement 
perpĂ©tuel esquissaient des arabesques, ce qui agaça Gramsci , ça lui donnait des vertiges. 
-«Qu'est-ce qui t'amène ici?», lui demanda Debauvoir.
 -«Nous recherchons un tableau volĂ©. Je suis envoyĂ© par Urise-MALL CENTER» dit Eddie.
 -«Comme celui-ci?» lui demanda Debeauvoir. De la tĂŞte, elle lui montra le tableau mouvant.
-«Nan» rĂ©pondit Eddie , «Pas c'te merde sans âme, un tableau qui date du siècle dernier, un 
statique de Romanoff Andre. Il peignait au jaune d'oeuf Ă  c'qui paraĂ®t, une mĂ©thode 
rĂ©cupĂ©rĂ©e de la Renaissance, il crĂ©ait aussi ses propres couleurs et poudres... une vieille croĂ»te 
volĂ©e». 
Certains tableaux se vendaient dans les supermarchĂ©s Ă  Urise-MALL, l'art n'avait plus 
aucune place exclusive, l'objet en lui-mĂŞme Ă©tait devenu un objet de dĂ©co. Une sculpture 
abstraite pouvait se vendre Ă  cĂ´tĂ© de cĂ´telettes ou de pâtes arrabiata, ça ne dĂ©rangeait plus 
personne.
-«Et toi?» lui dit-il.
- «Recel d'objets d'art dits ''racine et sacrĂ©'', notre ami Stern s'est fait doubler on dirait.''Des 
objets Ă  l'effigie de Bouddha sont sortis d'Asia 3, ce qui est puni par la loi... peine capitale.» 
dit-elle en souriant. «Le roi Rama 18 a demandĂ© personnellement Ă  Asia 3 Atlantic de 
retrouver les objets disparus... Je peux te dire que le roi Rama nous a donnĂ©, Ă  Ozon et Ă  
l'équipe d'Asia Atlantic, tous les moyens que nous désirons.''
 Le capitaine OZON Ă©tait un souche d'Europe, beau comme un Dieu. Il excitait les hommes 
comme les femmes et les dĂ©traquĂ©s d'US ZONE n'en pouvaient plus dès qu'il apparaissait sur 
les Ă©crans. Les chaĂ®nes des transformĂ©s tafioles le faisaient tourner en boucle. 
«A mon seul dĂ©sir!!?? Qu'est ce que cela veut dire??», se demanda Faridah Debeauvoir.
Elle rentrait chez elle, mais avant elle alla dĂ©poser le serpent, qui entre-temps s'Ă©tait 
transformé en boa constrictor .
Elle demanda Ă  son doppelganger, un robot qui lui ressemblait trait pour trait, le sens de 
cette expression. Son doppelganger, un robot Ă  l'apparence humaine qui lui servait de 
factotum, lui rĂ©pondit très rapidement sur ce qu il en Ă©tait. Ce robot rĂ©pondait au nom 
d'Anna Magnani .
-«''A mon seul dĂ©sir'' est une sĂ©rie de broderies mystique du XVe siècle. Les historiens ont 
toujours avancĂ© l'idĂ©e qu'il n y avait que six tentures mais sept serait le nombre reel... , ils se 
sont accrochĂ©s Ă  l'idĂ©e que les cinq premiers avaient Ă  voir avec les cinq sens et le sixieme est 
a mon seul desir mais 6 n'Ă©tait pas un nombre Ă©sotĂ©rique au Moyen-Age. Il semblerait qu'il 
manque une tenture. Les broderies, magnifiques, n'existent hĂ©las plus mais il reste des 
rĂ©pliques, des photos et des copies trouvables Ă  US ZONE. 
Nous prĂ©sumons qu'il en existe sept. C'est un chiffre qui correspond plus Ă  la logique 
ésotérique ''A mon seul désir, celui de de la Dame à la licorne''.


7 peut être un chiffre porte-bonheur dans les religions monothéistes , symboliquement il
correspond à l'esprit, au désir de connaissance, de solitude aussi et peut-être de renoncement.
Le chiffre 7 marque aussi de son empreinte le chercheur de vérité, celui qui veux connaître,
savoir. Certains disent qu'il possède un esprit fin et se rapporte en conclusion à la sagesse , a
l'intuition», dit-elle en souriant Ă  pleines dents.
Donc ''A mon seul désir'' ne peut pas être la dernière de 6 tentures ou si elle l'est, il en
manque une autre avant.
-''Et à quoi correspond le 6 alors ?'' rétorqua Faridah Debeauvoir.
«Le 6 , dit Anna Magnani, c'est la matière ou sa fin. L'argent, le pouvoir, les dĂ©clins. Il faut le
7 pour que le 6 prenne tous son sens . »
-«Et ''A mon seul dĂ©sir''??».
Anna Magnani ne pouvait répondre à cette question... Elle sourit. C'est ce que font tous les
robots dès qu'ils buggent.
Elle était dépourvue de désir, les machines robotiques, même de pointe, n'en étaient pas
équipées. Elles imitaient ces moments de l'intime grâce à des algorithmes inspirés par les
acquis et innées de l'entité originelle. Mais cela s'arrêtait là .
Anna Magnani avait marqué un point, Faridah de Beauvoir regardait les tentures en
agrandissant les détails des broderies... Des écrivains du XXe siècle ne se référaient qu'à six
tentures, bien que l'écrivain qui les avait découvertes, Georges Sand, disait avoir trouvé une
tenture au sol servant de tapis, donc elle était abîmée.
Quant au désir, Debeauvoir ne savait pas trop comment l'expliquer à Anna. La physiologie
étudie le rôle, le fonctionnement et l'organisation mécanique, biochimique des organismes
vivants et des composants (organes, tissus, cellules ). Ce qu'elle ne possédait pas et ne
posséderait certainement jamais. Le désir est un souhait irrationnel, obsédant et qui porte
sur la possession de quelque chose. Lorsque des scientifiques essayèrent de transmettre le sens
du désir à des robots pourtant dociles, ils en firent des psychopathes.
Faridah écrivit un rapport et l'envoya à Eddie et à Ozon. Son hologramme leur récita le
document... En effet, plus personne ne lisait vraiment. C'etait considéré archaïque.
L'assassin semblait vouloir jouer avec les deux détectives, alimentant en énigmes leur
enquĂŞte. Faridah Debauvoir se doutait que l'assassin de Stern s'amusait avec des codes
artistiques et religieux, et que Stern ne valait rien dans l'Ă©chiquier du crime. Le message Ă©tait
ailleurs.
Mais revenons à nos moutons. L'art n'était pas la tasse de thé de Debeauvoir. Les artistes?
Encore moins. Depuis les années 3000, des avocats et gros investisseurs avaient fait en sorte
que l'art devienne un passe-temps, tout le monde se disait artiste, seuls les vieilleries et autres
antiquités avaient pris en valeur. Depuis que l'Afrique n'existait plus, les masques africains,
perlages, bois Ă©taient vendus Ă  des prix exorbitants .
Les investisseurs avaient fait en sorte que le public, via des gouvernements corrompus,
investisse sur du conceptuel vide de sens. Quasiment toutes les Ĺ“uvres avaient fini Ă  la
poubelle en 2050. Le conceptuel fut ridiculisé, les artistes qui avaient exposé durant ces
années-là, des casques de moto sur des tables, des aspirateurs... finirent tous dans les
poubelles de l'art et de l'histoire . Les riches et très riches investisseurs, quant à eux,
continuaient Ă  acheter de l'ancien en catimini. Le conceptuel, personne n'en voulait chez soi.
L'art n'existait plus, les corps Ă©taient devenus des canevas, surtout Ă  US ZONE... On achetait
leurs prestations pour des évenements, leurs présences attiraient. Leurs tatouages, extensions
à paillettes, ou d'os de dinosaures ou de bras de gorilles incrustés dans leur chairs, faisaient
d'eux des objets d'art vivants .Ils vendaient a prix fort des photos d'eux-mĂŞmes, mais les vrais
artistes restaient néanmoins leurs avocats;qui faisaient la chasse aux répliques et autres
imitations, des milices privées faisaient des chasses à ''l'art''..... leurs grands tours de passe - passe. Om.
A suivre...... 




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